jeudi 15 juillet 2010

Une larme unique trace un sillon sur mon visage défait

On entre en mauvais livres comme en religion : il faut choisir ses idoles avec révérence.

Avec un peu de pratique, on apprend à séparer le nanar du navet : Marc Lévy n’écrit pas des mauvais livres, il écrit des crimes contre la littérature. Comme toujours, c’est en forgeant qu’on devient forgeron*, et à mes débuts, je me suis infligée « Et si c’était vrai ».

Comment, alors, reconnaître le mauvais livre ?

Premier indice : l’image de couverture. Depuis quelques années – en fait, depuis Dan Brown, qui a beaucoup fait pour la cause du mauvais livre – la mode est à l’ésotérique.

Comme personne ne sait véritablement ce que veut dire ésotérique, ça passe très bien.

Le mauvais livre se reconnaît donc à sa couverture cryptico-maçono-catholico-lol, souvent ornée d’une variation sur le thème du crucifix, du poignard, ou, si l’on tend vraiment au sublime, du crucifix, du poignard ET du symbole franc-maçon.

Sous indice : le bandeau de l’éditeur : « Un thriller ésotérique à glacer le sang ! » / « Le secret maçonnique gardé depuis des millénaires », « L’histoire vraie de Marie Madeleine ».

Autre indice, le titre : Ainsi, « Frère de Sang », « Apocalypse », « Le treizième apôtre », « L’évangile selon Satan » laissent tous présager du mauvais livre. Ils sont d’ailleurs tous en tête de gondole dans les points Relay, temples du nanar.

Autre sous catégorie : le mauvais livre historique. Parfois, c’est un mauvais livre historico-ésotérique. Le nanar historique est souvent adapté par France Télévisions. Sa couverture est souvent un tableau d’époque (on n’est pas à deux ou trois siècles près) que l’éditeur a trouvé joli ou qu’un stagiaire a trouvé sur Flickr.

Parfois c’est une biographie, et parfois, l’auteur est sous le charme de son sujet. Alors le nanar touche au grandiose, et on lit le journal intime d’un auteur de 14 ans qui dessine des cœurs autour de Louis XV, de Napoléon, ou pour les plus inquiétants, de Désiré Landru.

Mais couverture, titre et bandeaux ne sont que des préludes à ce qui vaut sa consécration au mauvais livre : le texte.

Mais c’est dans l'inventivité du champ lexical que le nanar se révèle dans toute sa splendeur : un corps « opulent dans sa plénitude », un prêtre jureur « plus sectaire que vicaire », des « yeux noisettes qui virent au gris tempete » (ça doit mettre mal à l’aise dans les soirées)… rien n’est assez fort, qu’on mette à mort les tenants du « less is more », ils n’ont rien compris.

Ca va swinguer.



*L’auteur n’a pas peur des clichés, ni des poncifs. Ca tombera pas plus bas, c’est en forgeant qu’on devient forgeron, et pierre qui roule n’amasse pas mousse.

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